Je passais de l’eau sur mon visage, en m’observant dans le miroir. Le sort avait été levé et la vérité venait d’éclater. Nous n’étions pas de ce monde, mais nous venions d’un très différent. J’avais passé la nuit avec Roland qui ne comprenait pas les souvenirs qui lui revenaient en mémoire et qui était effrayé par tant de changement. Ce sont d’autres questions qui me venaient à l’esprit pour ma part : pourquoi est-ce que, contrairement aux autres habitants, j’avais gardé mon prénom et celui de mon fils ? était celle qui revenait le plus souvent… Bien qu’elle soit d’importance mineure. Je n’étais pas retourné en ville depuis le fameux moment où le nuage était arrivé, dévastant nos petites vies au passage. Comment garder un semblant d’équilibre ? Je m’y forçais pour mon fils mais j’avais l’esprit ailleurs. La seule chose qui n’avait pas changée ? J’étais toujours nulle en pâtisserie. Au moins un repère. J’enfilais ma chemise et passais ma main dans mes cheveux avant de me faufiler dans la chambre où Roland dormait. Je déposais un baiser sur sa joue avant de passer ma main dans ses cheveux. Aujourd’hui il avait promit d’aider au refuge et j’allais l’y conduire. L’un des habitués m’avait promis qu’il serait là. Il me devait bien ça… Dans une autre vie. Je devais protéger mon fils de ce qui se passait en ville.

Je serrais Roland contre moi. Je devais me faire violence pour ne pas lui demander de faire demi-tour. Je devais lui faire confiance et ne pas le surprotéger. Je m’éloignais doucement et entendais son rire. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Parfait. Je filais me tester. Je prenais mon arc, qui était entreposé dans le salon en réalité depuis tout ce temps… Comme décoration qu’avait placée là ma femme avant sa mort. Mon estomac se serrait. Marianne n’était jamais venue ici. Je chassais cette idée et fonçais en direction de la forêt. Il était temps de tester mes capacités retrouvé. Si les fléchettes m’avaient permis de garder mon habileté à tirer, étais-je toujours aussi doué pour me repérer ?

Mes sens étaient en éveille. J’avais l’impression de pouvoir percevoir le battement d’aile d’un oiseau à plusieurs centaines de mètre de moi. Je voyais la forêt plus vivante que jamais. Je ne me prenais pas les pieds dans les racines, je savais parfaitement où les poser. Je me sentais tellement vivant. J’étais dans mon élément. Je pressais le pas et prenais une flèche du carquois. J’étais prêt à tirer sur le premier tronc que je voyais. Hors de question de tuer un animal sans raison. Je m’arrêtais près de la rivière et finissais par relâcher la corde. Je passais ma main dans l’eau. J’étais absorbé par du mouvement sur la berge opposé que je ne remarquais qu’au dernier moment le bruit sourd dans mon dos. Je décochais une flèche par pur instinct qui vint se fixer dans du bois. A quelques mètres de quelqu’un.

Les pensées se bousculaient dans mon esprit. J’avais encore du mal à faire le parallèle entre mes deux vies, à comprendre réellement ce qui était en train d’arriver. Comme tout le monde j’avais assisté à la levée du sort, aux changements, à la colère des gens… Je m’inquiétais pour mon fils. Il était effrayé par les souvenirs qui apparaissaient dans son esprit mais d’un autre côté il semblait plus enclin à comprendre que moi. Je l’avais laissé vivre sa journée comme toutes les autres, même si cette fois je n’étais plus aussi serein. Je l’avais emmené en dehors de la ville au refuge. Il y serait en sécurité. C’était mieux pour lui et pour moi. J’avais besoin de faire le point et de comprendre. Je n’étais pas comme la plupart des habitants de la ville, rempli de haine et d’un besoin de vengeance. Ca ne me ressemblait pas. Je ne voulais pas devenir ce type de personne. Alors pour ne pas succomber, il fallait que je prenne le temps de me retrouver.

Je redécouvrais mes sens. Je comprenais un tas de choses : mes aptitudes aux fléchettes, mon besoin de grands espaces, et mes capacités à me faire discret et à ne pas attirer l’attention. Je n’avais que très rarement utilisé mes dons de voleur : fort heureusement ! Je me serai senti terriblement coupable si ca n’avait pas été pour aider quelqu’un. Arc à la main, je guettais le moindre bruit. Les craquements habituels du bois, le bruit du vent des les feuilles : je me sentais apaisé. J’avançais vers la rivière. J’avais envie de toucher l’eau, de ressentir ce contact froid. Il y avait du mouvement sur la berge opposée. Certainement une biche. Je me relevais doucement, m’attendant à la voir apparaître avant qu’elle ne fuit, apeuré par ma présence. Mais ce fut mon cœur qui loupa un battement alors qu’un bruit sourd dernière moi me faisait sursauter. Je ne contrôlais pas mon geste reflexe : la flèche était déjà partie. Elle heurta l’écorce, s’y plantant. Je devais avouer que je n’étais pas mécontent de moi. Je me figeais sur place et clignais des yeux, convaincu que quelqu’un était là, mais elle avait disparu. Je sentais une présence dans mon dos et sursautais. Je n’avais pas le temps de me retourner que la magie s’en chargeait pour moi. Je portais immédiatement mes mains à mon cou, comme si je pouvais me débarrasser de cette emprise. Si j’avais appris une chose dans mes aventures : On ne s’approche pas de la magie. Regina Mills, la personne la plus recherchée de la ville. J’avais vraiment un don pour me retrouver dans des situations totalement folles. On lisait sa colère dans ses yeux sans le moindre problème.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre qu’elle m’accusait ni plus ni moins que d’avoir voulu la tuer. « Je ne suis pas stupide et encore moins un meurtrier. » On sentait la détermination dans ma voix mais également la franchise. « Si j’avais voulu tuer, je n’aurai pas loupé. » J’étais presque vexé que l’on remette en doute mes capacités. Ca ne m’était pas arrivé depuis Graham… Ce vieux fou me manquait. Je ne me laissais pas démonter. « Le contraire est également vrai non ? Alors si ce n’est pas trop demandé… » Je n’étais absolument pas à l’aise avec la magie. Encore moins lorsqu’elle était dirigée contre moi.

Je mettais un point d’honneur à éviter la magie. L’une des règles que j’imposais à mes compagnons était très claire : On ne s’intéresse pas aux objets ensorcelés, aux affaires de quiconque traitant avec la magie. Elle avait plusieurs fois croisé mon chemin et à chaque fois ce n’était pas réjouissant. J’avais failli perdre la vie plus d’une fois. Et voilà qu’elle refaisait surface à Storybrooke et déjà je me retrouvais suspendu par le col. Je portais mes mains à mon cou, tentant de me libérer de cette dangereuse étreinte. Je me sentais oppresser. Mon regard croisait celui de mon agresseur : Regina Mills. La méchante reine et certainement la personne la plus recherchée en ville. Elle m’accusait d’avoir tenté de la tuer. D’accord ma flèche avait été terriblement maladroite mais ce n’était pas réellement voulu. Je ne loupais jamais ma cible. Si j’avais vraiment voulu l’envoyer dans l’autre monde, j’aurai prit mon temps. Mon arc était le seul objet magique que je possédais, bien que je sous aussi doué avec un non ensorcelé. Ma flèche se serrait planté là où je le voulais. Aussi fou que cela puisse paraître un petit sourire s’affichait sur mon visage lorsqu’elle ajoutait que je me surestimais. « Certainement pas. » Etais-je devenu fou ? Il faut dire que la folie me guettait ces derniers temps. « Une chance pour nous deux. » répliquais-je moqueur, bien que beaucoup moins assuré.

La jeune femme s’approchait de moi. Je ne bougeais pas d’un pouce, cessant de me débattre. J’avais compris que c’était parfaitement inutile, et ne servait qu’à resserrer l’étreinte. Elle était en train de me menacer. C’était à prévoir. Avant que je ne puisse répliquer, la magie disparue. Je heurtais le sol, n’ayant pas vraiment prévu cet atterrissage. Je grimaçais. « Le demander gentiment aurait donné le même effet. » répondais-je d’une voix bien moins forte alors que je me relevais. Je ramassais mon arc et le rangeais. N’importe qui aurait eu la présence d’esprit de faire demi-tour et de fuir. Je ne le faisais pas, pour une raison qui m’était totalement inconnue. Elle m’ordonnait de partir. Je ne bougeais pas d’un poil, me contentant de remettre ma veste en place ainsi que la lanière de l’arc. Je ramassais la flèche qui avait été arraché de l’arbre sous le coup de la colère. Mon regard venait à nouveau de croiser le sien avant qu’elle ne se retourne définitivement.

Je l’interpellais. J’étais du genre obstiné et je voulais en savoir plus. Quelque chose m’empêchait de revenir sur mes pas et d’oublier cette entrevue. J’avançais vers elle, n’hésitant pas une seule seconde. « Il pourrait y avoir un grand débat à ce sujet. » La méchante reine n’était pas la première à me faire remarquer ma stupidité, ma prise inconsidérée de risque. « Je vous accompagne. » Je croisais les bras. L’idée pouvait sembler saugrenue. Elle l’était certainement. Je n’avais aucune envie de la laisser seule sachant ce dont elle était capable, mais aussi qu’elle était en danger. « Je connais chaque recoin de la forêt, vous ne voulez pas que je parle à qui que ce soit, et vous avez déjà menacé mon fils et mes amis… » autre raison de la garder à l’œil. « Et vous n’avez rien à perdre. » Elle n’allait pas se débarrasser de moi si facilement.