Nous avons un problème !

Roland sautait partout dans la maison et ne tenait plus en place. Ce soir, il partait dormir chez un copain pour la première fois. J’avais eu du mal à accepter, angoissé à l’idée de me retrouver seul dans cette grande maison et surtout que quelque chose ne lui arrive. Si le sort avait été levé, nous n’étions pas à l’abri du danger. La fissure qui traversait la ville en était la preuve. Mais je connaissais les parents de ce petit depuis très longtemps. Je n’avais donc plus aucune raison de l’en empêcher. Il avait aussi besoin de liberté, comme son père. Il y eut tout de même quelques petites larmes au moment de toquer à la porte, mais celles-ci disparurent rapidement lorsque la bonne odeur d’un gâteau vint jusqu’à nos narines. Finalement est-ce que moi aussi je pouvais rester ?

Je m’enfonçais dans la forêt, l’arc à la main. Il n’était pas question que je rentre immédiatement. C’était l’occasion de me dérouiller un peu et de voir ce dont j’étais capable en situation réelle. Le jour n’allait pas tarder à laisser totalement place à la nuit. C’était à ce moment précis, que la forêt était la plus belle. Il y avait tellement de couleurs, de senteurs… Je profitais de cet instant, m’asseyant sur un tronc d’arbre et me laissant simplement porter. Des souvenirs refirent surfaces. Les bons comme les mauvais. Je voyais sans problème le regard de Marian s’illuminer lorsque je lui faisais découvrir des endroits hors du temps loin des sentiers habituels, ou encore Roland faire fuir sa première biche et tenter de la rattraper, sans grand succès.

Je revenais doucement à la surface alors que du bruit vint jusqu’à moi. Un sourire se dessinait sur mes lèvres. Je me relevais rapidement mais sans un bruit. Je sortais mon arc de son carcan ainsi qu’une flèche. Je tendais l’oreille et me dirigeais vers ma cible. Elle ne devait être qu’à quelques dizaines de mètre de moi. Je me concentrais, oubliant tout autour de moi. Les feuilles bougèrent. Je décochais la flèche. Je ne loupais jamais ma cible. Ca faisait tellement de bien. Je me sentais vivant. Simplement vivant. Je courrais jusqu’à ce qui avait été ma cible. C’était quelque chose d’assez gros. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’avais agi simplement par instinct, les laissant s’exprimer après avoir été trop longtemps bafouer. L’adrénaline se diffusait dans mes veines, provoqué par l’excitation du moment.

Je me figeais en découvrant un homme sur le sol… Ma flèche dans sa poitrine. Mon sang ne fit qu’un tour. Je lâchais mon arc et me précipitais vers lui. Mon cœur n’allait pas résister très longtemps. Faites que je ne l’ai pas tué… Que ce soit simplement le choc. Ses yeux… Je me sentais défaillir. « Hey… » Je m’agenouillais à côté de cet homme. Je laissais échapper quelques jurons. Je remarquais ses yeux vitreux. J’en tombais à la renverse, mon cœur battait la chamade. Je n’allais pas tenir. Il me fallait de l’aide tout de suite. Je fouillais dans mes poches pour prendre mon portable. Sous le choc je devenais maladroit et le fis tomber deux fois avant de pouvoir faire le numéro : Emma. J’avais besoin d’Emma !

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Nous avons un problème !

La flèche était partie à vive allure. J'avais l'impression d'être de retour bien des années auparavant. Je n'avais pas eu l'occasion de me servir de mon arc en situation réelle. Je me sentais vivant... Plus que la personne qui venait de recevoir ma flèche. Mon cœur battait la chamade alors que l'idée d'avoir commis l'irréparable se dessinait. J'avais tué quelqu'un par accident. Je frôlais la crise cardiaque. J'avais beau secouer le malheureux : rien. Je saisissais mon téléphone et composais dans un premier temps le numéro d'Emma... Nous étions en pleine forêt, loin de tout. Il n'y avait pas de réseau. Même les urgences étaient inaccessibles. Mon esprit fonctionnait à cent à l'heure. Bon dieu qu'est-ce que je pouvais faire ? J'étais beaucoup trop honnête pour faire comme ci de rien n'était... J'avais beau être un voleur... Et maintenant un meurtrier... Je n'en avais pas moins une conscience. Je m'approchais encore de l'homme et le touchais, tentant de prendre son pouls. Et il se releva.

Je sursautais et tombais à la renverse, faisant presque une pirouette arrière et reculais rapidement. Mon coeur allait lâcher définitivement. Je portais ma main à la poitrine et prenais une grande inspiration. Je restais quelques secondes contre le sol et me relevais. Qu'est-ce qui était en train de se passer ?  «  Mais vous êtes complètement dingue ! » Je me redressais et plongeais mon regard dans celui de cet homme.  « Je ne tire jamais à l'aveugle. » J'ai simplement manqué de chance cette fois.  « Un cœur inexistant ? » Je ne comprenais pas trop mais peu m'importait : Au moins je ne l'avais pas tué. Je dévisageais cet homme à l'allure si bizarre. Je continuais à penser qu'il n'allait pas bien pour autant.

Je grimaçais en entendant ses articulations craquer. Il se présenta : Mortem. Ce nom lui allait parfaitement bien... que ce soit avant ou après que ma flèche se soit fixée dans sa poitrine.  « Sympa comme travail. » Mes paroles avaient dépassé ma pensée. Je lui fis un petit sourire désolé avant de me présenter à mon tour.  « Robin Locksley... du refuge pour animaux. » Je laissais échapper un petit rire avant de passer ma main dans mes cheveux.  « Désolé pour … La flèche... Ravi de ne pas vous avoir tué. Ça aurait été... assez gênant. » Et plus encore ! Surtout pour moi. Il aurait aussi été à plaindre.

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Mon cœur battait la chamade. Je n’aurais pu me pardonner d’avoir tué quelqu’un de cette manière. Même par accident ! Mais le fourbe n’était pas mort. Je tombais à la renverse lorsqu’il se releva. Quel genre d’homme pouvait avoir l’idée de faire une folie de ce genre ? Ce n’était absolument pas drôle. Bon un peu… Maintenant que j’étais soulagé. Son cœur n’était pas dans sa poitrine. Pour une fois, j’étais ravi d’être au contact de la magie. Il osait même rire. Je soupirais lourdement. Et voilà qu’il me prenait pour un idiot. Je ne me laissais pas démonter et un sourire apparut sur mon visage. « Peut-être n’ai-je simplement pas l’habitude de rencontrer des personnes ayant un vide à la place du cœur. Au sens propre bien entendu. » Je hochais la tête comme pour appuyer mes propos. Cet homme était réellement… Incroyable. Il était donc fossoyeur. Charmant travail… J’évitais pour ma part de côtoyer la mort. Certaines souffrances restent toujours aussi insupportables malgré les années qui ne cessent de s’écouler. Je haussais les épaules, peu enclin à continuer cette discussion, bien trop sinistre. « C’est un point de vue qui se défend. » Je préférais côtoyer les vivants.

Je m’excusais. C’était tout de même la moindre des choses après avoir tenté… de le tuer… Est-ce que l’on pouvait réellement dire que j’avais tenté de le tuer ? Etant donné que techniquement ce n’est pas possible ? Et qu’en plus il s’agissait d’un accident. Je laissais ses réflexions à plus tard. « Le sort fait bien les choses. » M’occuper des animaux n’avait jamais été une vocation mais dans une ville où tout le monde vivait plus que confortablement, je me devais de m’occuper des plus faibles… Par déduction des animaux en détresse. La logique implacable d’un sortilège. Mon sourire s’agrandissait. L’adrénaline commençait à se faire plus rare dans mes veines, je me détendais au fur et à mesure. « J’ai presque envie de m’excuser de ne pas vous avoir tué… » Chaque être vivant avait un temps défini sur Terre, une heure dont nous nous rapprochions sans cesse… Mes pensées s’assombrissaient à son contact. Je secouais machinalement la tête alors qu’un sourire énigmatique se dessinait sur son visage.

Je ne savais que trop bien de quoi il parlait. J’avais déjà ôté une vie pour sauver la mienne ou celle d’un de mes amis. « Pas lorsqu’il s’agit de prendre la vie d’un innocent. » J’avais beau être surnommé le prince des voleurs, ma vie était régie par un ensemble de règles bien définies. Il était hors de question de s’en prendre à quelqu’un qui ne le méritait pas. Peu d’hommes méritaient de mourir à mon sens. Je croyais en le bon fond des gens. « Je vous crois sur parole. » répondis-je brièvement, ne m’étalant pas sur le sujet. Je croisais les bras. « Je pensais connaître tout le monde en ville… Ce n'était pas le cas. Vous devriez plus souvent passer chez Granny. » C'était un lieu de passage en ville, mais aussi de rencontre.

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